mercredi 25 février 2015

Le chant de la fleur



Il y a quelques mois, je me suis retrouvée à écouter un barbu grisonnant de l'association Frontière de vie. Ce qu'il a raconté m'a beaucoup touchée donc je voudrais le partager avec vous.

L'association Frontière de vie soutient la lutte du peuple amazonien de Sarayaku (Equateur)  contre l'industrie pétrolière. Inspirés par un chant chamanique ancestral, les indiens Kichwa ont eu une idée de génie pour protéger leur mode de vie et attirer l'attention de la communauté internationale: Border leur territoire ancestral d'une couronne d'arbres à fleur! 


Ils demandent à chaque famille d'aller aux limites du territoire, de défricher une clairière et d'y planter un arbre aux fleurs éclatantes. Vu du ciel, leur territoire se dessinera en rose sur l'océan vert qu'est la forêt amazonienne.
C'est très fort- je trouve- d'un point de vue marketing et d'un point de vue graphique mais leurs motivations sont bien plus profondes: 

"Il s' agit de marquer la présence de l’homme dans la forêt, de souligner la volonté des peuples autochtones de préserver leurs territoires et de maintenir la forêt intacte. C’est un symbole de Paix offert à l’humanité, auquel Sarayaku espère que de très nombreuses personnes issues de tous les peuples de la terre se joindront."

Moi ce petit paragraphe me ferait bien verser une petite larme, comme tout ce qui fait appel à notre humanité et ce qui nous rappelle que nous sommes tous connectés. 

Si en plus ces indiens luttent efficacement contre les multinationales qui n'ont aucune éthique sociale ou environnementale, là j'ai carrément envie de crier Viva la revolucíon ! :-)

La semaine prochaine j'aurai la chance d'assister à une projection du documentaire Le Chant de la Fleur, réalisé par le président de l'association, Jacques Dochamps. 

J'aurai donc l'occasion d'en apprendre plus sur le mode de vie de ces indiens kichwa. D'après ce que j'ai compris, ce peuple suit la marche du monde et utilise des moyens modernes pour lutter, tout en conservant leur mode de vie traditionnel. Ils ont par exemple fondé une école bilingue langue indigène/espagnol dans laquelle ils donnent des cours d'informatique et de médecine traditionnelle. Un équilibre entre tradition et modernité qui est sans doute la condition sine qua non de leur survie.

Voici le bande annonce et le site de Frontière de vie.

samedi 21 février 2015

Carne levare


Aujourd'hui -c'est de saison - j'aimerais vous parler du carnaval. En plus, c'est complètement raccord avec mon article précédent. Quel est le lien entre le carnaval et le végétarisme, me direz-vous... Et bien le lien est direct d'un point de vue éthymologique puisque carnaval viendrait (parmi d'autres hypothèses) du latin carne levare, enlever la viande.

En effet, le carnaval était le dernier moment où l'on pouvait manger gras et riche avant "d'entrer en carême", c'est-à-dire à  restreindre les calories, les sucreries, la quantité de viande que l'on mange ou même jeûner à l'origine.

Entrer en carême est une expression délicieusement désuète. Plus personne n'est au courant de ces 40 jours destinés à se purifier avant la résurrection du christ (Pâques donc) et franchement la plupart de ceux qui le savent n'y attachent pas grande importance.

Pourtant, cette histoire de Carnaval et de carême est vraiment intéressante. C'est en fait- comme Noël- une fête païenne que l'Eglise n'a pas réussi à éradiquer. Plutôt que de s'avouer vaincue, elle a décidé de l'entourer d'une série de règles et de symbolique pour l'intégrer dans ses rites. Bien joué l'artiste, ça dure depuis des centaines, des centaines et des centaines d'années.

A l'heure actuelle, la symbolique chrétienne n'est plus très pertinente mais l'origine païenne non plus! Pour que ces fêtes ne soient pas vides de sens - et avouons que c'est souvent le cas- il est extrêmement intéressant d'en redécouvrir la symbolique originelle.

Depuis des temps immémoriaux, la période qui va de janvier à mars est un moment où les hommes font table rase de l'année qui vient de s'écouler, où ils créent le chaos, bouleversent l'ordre établi afin de se préparer à l'arrivée du printemps et bâtir sur de nouvelles bases. 

A l'époque où on n'avait aucune idée des phénomènes qui régissaient l'univers, le cycle des saisons était extrêmement mystérieux.  Au cœur de l'hiver, il restait toujours un doute sur le retour du printemps. La succession des saisons dépendait du bon vouloir des dieux et on ne lésinait pas sur les sacrifices pour les encourager à  faire revenir le soleil de son long sommeil. On a conservé une trace de cette offrande au dieux dans les "bonhomme hiver" que l'on brûle à la fin des réjouissances.

La carnaval est également lié au bouleversement des hiérarchies sociales. Dans l'antiquité romaine, les esclaves se faisaient servir par leur maître; au moyen-âge, on donnait les attributs du pouvoir au benêt du village et  c'est un âne -symbole de satan apparemment- qui célébrait la messe.  

Durant ces jours où la pyramide sociale était renversée, le déguisement et le masque avait une signification profonde: ils permettaient de se libérer de son identité, de se désinhiber mais aussi d'oublier la souffrance et la misère du quotidien.

En cœur de cette fête devenue enfantine et stéréotypée, on retrouve donc une soupape sociale salutaire, l'envie de se débarrasser du mauvais, l'envie de se nettoyer pour créer du neuf en tout liberté.

Faire carnaval en ayant ses origines en tête, c'est se calquer sur le cycle des saisons et se fondre dans un  rite qui touche à notre nature primitive et profonde.

Cette année, une jeune artiste bruxelloise, Chloé Schuiten, organise un carnaval qui épouse parfaitement cette vision.  Hum... Âmes sensibles, s'abstenir



mercredi 11 février 2015

To be or not to be végétarienne?


Pendant longtemps, être végétarien c'était pour moi soit le signe d'une sensibilité excessive au bien-être des animaux soit une façon d'être  hippie avec full options (Longue jupe? checked! Fleur dans les cheveux? checked! Discours allumés sur la terre nourricière? checked! Végétarien? Oh oui alors).

Un déclic portugais


Les premiers végétariens que j'ai rencontrés, c'était au Portugal pendant mon erasmus. Je louais une chambre pourrie mais adorable dans un appart habité par 3 portugais. On s'entendait bien, on mangeait ensemble tous les soirs et comme ils étaient végétariens et moi pas difficile, je faisais plein de découvertes culinaires.

Malgré tout, le sevrage était un peu brutal pour une belge carnivore. Toutes les deux ou trois semaines, je me ruais au supermarché pour acheter du jambon et du chocolat. Mon colocataire le plus extrémiste tolérait - avec une pointe de condescendance- mes corps étrangers dans le frigo.

En rentrant en Belgique je n'ai pas vraiment changé mes habitudes mais je ne voyais plus autant les végétariens comme une espèce à part.

Un déclic "scientifique"


L'été après mon mémoire, j'ai fait du woofing* dans une ferme biologique et végétarienne en Espagne. C'est là que j'ai eu mon épiphanie, mon eurêka, mon "Aha moment".

Comme la ferme venait de démarrer et qu'ils avaient eu des volontaires tout l'été, nos journées n'étaient pas toujours très chargées.  On piochait dans la bibliothèque, remplie bien entendu de livres sur le végétarisme, l'agriculture et les plantes.

Un des bouquins faisait la comparaison entre les carnivores, les herbivores et les humains sur différents plans, notamment la dentition et le système digestif.

Et vous l'aurez deviné, ni notre dentition ni notre système digestif ne sont adaptés à une alimentation carnivore. Il y a sûrement de trouver des données très précises là-dessus mais moi ce qui m'a frappé et la seule chose que j'ai retenue c'est que notre intestin est beaucoup plus long ( 10 à 12 fois la longueur du corps, comme les herbivores) que celui des carnivores ( seulement 3 à 6 fois).

La longueur du trajet et le fait que nous n'avons pas autant d'acides xy pour dégrader la viande rapidement fait qu'elle moisit gentiment sur les parois  de notre intestin en attendant de descendre au prochain arrêt.

De réaliser ça, ça a changé toute ma perception du régime végétarien... et en rentrant chez moi, je devenue une végétarienne pure et dure  ah non pardon,....en rentrant chez moi j'ai repris mes anciennes habitudes :-)  mais la graine du végétarisme était plantée.

Déclics en cascade

Cette petite graine elle a trouvé un terreau favorable pour grandir. Ces 5 dernières années, le végétarisme est presque devenu mainstream ( dans les pays anglo-saxons ou germanique plus que chez nous, mais quand même). La dimension environnementale et les bienfaits sur la santé sont venus s'ajouter à la liste - que je tenais sans vraiment le savoir- des avantages du végétarisme.

Des initiatives comme le  jeudi veggie ont vu le jour  pour nous montrer qu'incorporer un jour végétarien c'est en fait se montrer solidaire des populations du sud et protéger l'environnement (intrigués? allez voir la vidéo explicative)

Le dernier déclic que j'ai eu c'est il y a quelques années, quand j'ai quitté définitivement la maison de mes parents, ma petite ville et son artisan boucher. J'ai emménagé dans la banlieue d'une grande ville. Le magasin le plus proche était un carrefour market, avec sa viande aux hormones posée dans de la frigolite à usage unique qui prend une place de dingue dans la poubelle.

Je n'avais pas envie de manger des hormones à la viande donc j'en achetais très peu. Parfois, j'allais dans le centre chez un boucher halal qui faisait des brochettes de dinde exquises. Je continuais d'acheter des barquettes de lardons fumés, dont je mangeais la moité crue... hum pas le profil typique d'une végétarienne me direz-vous.

Effectivement, même si je suis totalement convaincue de la validité de ce choix, je ne suis toujours pas végétarienne.  J'ai acquis une petite expérience et un certain goût pour les lentilles, les pois chiches et les blogs végétariens.  Chez moi, je cuisine désormais exclusivement végétarien. Je continue de manger de la viande chez ma petite maman, au resto ou dans les sandwicheries. Les anglais, on inventé un mot pour ça. Moi et mes camarades modérés, nous sommes des flexitariens: nous passons d'un régime alimentaire à l'autre en fonction des circonstances.

J'imagine qu'un jour je vais finir par avoir éradiqué toute protéine animale de mon alimentation mais j'aime bien l'idée de ne pas me mettre la pression et de pouvoir manger de la viande de temps en temps sans "trahir" mes idéaux


Si vous êtes tentés, vous pouvez aller voir ce blog végétarien, très très appétissant et bourré d'infos scientifiques

Léa.

*Woof= working on organic farm on weekends. Travailler dans une ferme biologique en échange du gîte et du couvert.

mardi 3 février 2015

Lettre ouverte à Charlie


Cher Charlie (Michel), cher Kris, cher Jan, cher Alexander, cher Didier, Hervé, Koen, Maggie, Daniel, Johan, Willy, Marie-Christine, Steven et  Jacqueline.

Je me permets de vous appeler par vos prénoms puisqu' à mon sens, même si vous tenez les rênes du pays, nous sommes avant tout concitoyens. Le mot concitoyen porte dans ses racines l'idée d'inclusion, l'idée du tous ensemble, du avec, du tout.

Une semaine après les attentats du 7 janvier, vous avez pris  douze mesures contre le terrorisme et le radicalisme. J'imagine qu'il fallait rassurer la population et montrer que vous aviez la situation bien en main. Psychologiquement et électoralement, la tentation sécuritaire et répressive est forte et on a du mal à vous blâmer d'y avoir succombé.

Pourtant, il semble clair que c'est un piège tendu aux démocraties. La formule  de Robert Badinter est belle et si je lui laisse son argumentaire juridique et politique, je ne peux m'empêcher d'ajouter que ce piège dans lequel vous êtes tombés, me blesse profondément. J'ose espérer qu'il en blesse d'autres que moi.

Dans vos mesures, je vois un renoncement au vivre-ensemble. J'entends la loi du talion qui sonne haut et fort. J'y vois de la répression et de l'exclusion, là où nous avons tous besoin d'inclusion, d'humanité... de concitoyenneté?


C'est pourquoi, aux 12 mesures que vous avez édictées, je vous demande d'ajouter rapidement celle-ci:

13. Subsides généreux pour l'éducation à la citoyenneté et à l'interculturalité.



Nous avons tous été choqués parce qui est arrivé à Paris mais y répondre uniquement par une surveillance accrue et des mesures répressives semble insuffisant et contre-productif.

Vos mesures me font l'effet d'une bonne tempête en mer: c'est impressionnant, c'est bruyant et ça éclabousse à tout va.... pendant que 1000 lieues sous la surface, les innombrables mètres cubes d'eau sont à peine dérangés par le passage d'un poisson.

Notre seul outil pour atteindre les grandes profondeurs où se logent le radicalisme et le terrorisme est une politique ambitieuse d'éducation à la citoyenneté et la constitution d'un réseau associatif  à la trame serrée.

Parmi toutes les réformes et les mesures que vous allez sans doute continuer à prendre, considérez les propositions suivantes:

  • remplacer les cours de religion par un cours d'histoire des religions pour analyser - au moins- les trois religions monothéistes en profondeur et en dégager les points communs.
  • Augmenter le soutien financier et pédagogique au tissu associatif existant  (particulièrement en temps d'austérité).
  • favoriser la création d'associations de l'après-Charlie, spécifiquement pensées: 
    • pour permettre la rencontre de jeunes de toutes origines autour de thèmes de citoyenneté et d'interculturalité.  
    • pour créer des brèches dans les communautés 
    • pour éviter qu'une maison de quartier à Forest ne réunisse que des jeunes maghrébins, qu'une à Saint-Josse ne rassemble que des turcs pendant qu'à Lasnes, une certaine jeunesse dorée organise des rallyes années 20.


Dans le parcours qui amène quelqu'un à perpétrer des actes terroristes, il y a tellement de choses qui nous échappent. Et elles nous échapperont probablement toujours.

Concentrons-nous sur notre zone d'influence: faire des jeunes qui passent par notre système éducatif et associatif des CRACS: des citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires. 

En espérant que vous croyez toujours à la possibilité d'une société multiculturelle réellement inclusive,

Un(e) concitoyen(ne)